CocoTree, les super crédits carbone

Nos confrères du « Guardian » et de « Die Zeit » avaient mené conjointement une enquête spéciale ; nous avons voulu à notre tour investiguer sur l’un des business les plus prometteurs de la Startup Nation, les crédits carbone. Ces derniers, aussi dénommés compensation carbone ou plantation d’arbres pour faire beau dans les rapports RSE pour les intimes, seraient, selon nos informateurs, « l’arbre qui cache la forêt ».

Nous pensions que notre investigation nous mènerait aux 4 coins du globe (un long périple, étant donné que nous ne prenons plus l’avion par respect pour la planète et nos comptes en banque). Un appel à témoins sur Twitter aura suffi pour découvrir le pot-aux-roses.

En effet, quelques heures seulement après le lancement du hashtag #KivivraVerra, des témoignages affluaient du monde entier. Rachida nous appelle depuis la République Dominicaine du Congo (les prénoms, genres et pays de résidence des lanceurs d’alerte ont été modifiés pour garantir leur anonymat). Retranscrivons ici cet échange. 

 « Je ne peux pas parler longtemps. Je travaille pour Kivivra© ici au Congo et je n’en peux plus. Il faut que les gens sachent. J’étais venue pour planter une forêt primaire. Mais en fait, le seul végétal que j’aie planté, c’est un arbre à fric. A chaque virement fait par des clients, Kivivra© fait imprimer des billets dans le pays où il était censé planter des arbres, puis il les accroche à une gigantesque structure de bois exotique pour les faire sécher. Les fondateurs font même une petite danse de la joie autour en imitant bruyamment des pigeons, pour rendre un hommage indirect à leurs clients. Une fois secs, les billets sont récoltés. Mais je ne connais pas leur destination finale… »

Même son de cloche pour tous les témoignages reçus. Qu’ils nous appellent d’Indonésie, du Pérou, de Bolivie ou d’Inde, les lanceurs d’alerte sont formels : Kivivra© ne plante pas d’arbres. « Et c’est même l’inverse, puisqu’au vu des sommes perçues, les quantités de papier utilisées pour imprimer les billets sont énormes », d’après Jean-Marc, dont le prénom a été modifié, on vous le rappelle, afin de garantir sa sécurité. La CarbonForestMafia rôde…

Interrogé suite à notre enquête, Gildas, directeur RSE d’un grand groupe agro-alimentaire, juge que ces témoignages sont de la « pure désinformation ». « Nous plantons 12 530 arbres par mois pour compenser nos émissions Carbone. Nous avons vu dans les vidéos de Kivivra© que leurs feuilles fonctionnent comme un grand aspirateur à CO2. En plus, elles sont hyper douces. Nous avons même reçu un échantillon au bureau, qui a rappelé à Sandra de la compta le pelage de son lapin nain décédé. Franchement, il faut arrêter de gober tout cru tout ce qu’on vous dit sur les réseaux sociaux ». Échaudé, le directeur a déclaré vouloir coller « une châtaigne » à ces délateurs qui les prennent, ses collègues et lui, « pour des glands ».

Si la nouvelle a fait l’effet d’une bombe dans le monde des entreprises, les particuliers ne sont pas en reste, puisqu’eux aussi ont accès à ces mécanismes de compensation carbone. 

Pour Monique, citoyenne de Provins, la nouvelle est un véritable crève-cœur. « À chaque fois que j’achetais un arbre sur CocoTree, je me sentais mieux. L’an dernier, j’en avais même subventionné plusieurs, parce qu’avec Gérard, on avait pris l’avion pour les Baléares pour le week-end de la Pentecôte », conclut la quinquagénaire dans un reniflement coupable.

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